Il y a 24 ans, naissait le premier poulain de Marie-Claude et Jean Drexler. Depuis, bon nombre de poneys ont vu le jour à Montrigaud (26) et un certain nombre a atteint le niveau Grand Prix dont deux sélectionnés pour les championnats d’Europe. Néophytes à la base, leur élevage « d’Hurl’Vent » est aujourd’hui devenu l’un des incontournables de la petite sphère du poney de sport. La saison dernière encore, nous avons pu voir en Grand Prix Rahan (étalon, castré depuis mais quelques paillettes sont disponibles, père également de Baladin du Bessey, meilleur IPO des sujets de 7 ans, As Elite), Une Muse, Albator, Thémis, Urlevent, Roudoudou (champion de France As Elite en 2016, père de la prometteuse Armene du Costilg, elle aussi lauréate à ce niveau), Vasco, Antigone (As Poney 1), Bohème (gagnante de plusieurs GP des 7 ans)… Débuts, sélection actuelle, choix porté sur le Poney Français de Selle, Jean Drexler nous parle dans ce premier volet de son élevage.
Poney As : Quelle est la genèse de l’élevage d’Hurl’Vent ?
Jean Drexler : Nous avions offert à notre fille Anouk, qui ne faisait pas de compétition, une ponette nommée Danaé, sans origines connues destinée à faire de la balade. Nous avons un jour décidé de la mettre à la reproduction et avons choisi l’étalon Boogie de la Gère (Ventcoulis, Aa x Rews, Nf), un étalon avec du sang Anglo. Le mariage nous a donné, en 1995, Hera d’Hurlevent. Ce fut notre première pouliche. Voilà comment l’histoire a commencé…
PA : Cette première ponette, Hera, est devenue la base de l’élevage, sans doute même la poulinière phare ? Elle donna Nils (champion d’Europe par équipe en CSO sous couleurs britanniques, IPO 169), Rahan (approuvé étalon, gagnant en As Excellence CSO, IPO 153) ou encore Thémis, elle aussi performante en As Elite (IPO 164). Comment se sont passés les débuts avec elle et pourquoi l’avoir mariée à des chevaux ?
JD : Nous avons débourré Hera à 3 ans et nous sommes partis en balade avec elle, en famille. Elle était adorable et comme il s’agissait de notre première pouliche, nous l’avons gardée. Il s’est avéré qu’elle sautait très bien en liberté ! Elle est toute petite, de taille C, c’est pourquoi nous l’avons croisée avec des chevaux. Nous avons pu également nous rendre compte que la taille de ses produits était très variable, aussi bien avec des étalons chevaux qu’avec des poneys.
PA : Avoir un premier produit comme cette petite poulinière, c’est tout de même un coup de chance ?
JD : Oui complètement, on a eu beaucoup de chance et je pense qu’en élevage, il faut en avoir (rire).
PA : L’élevage d’Hurl’Vent a t-il fait naitre des chevaux ?
JD : Un petit peu, oui, au début. Nous avons eu 4 ou 5 poulains chevaux, mais nous avons vite arrêté. Il est tout de même difficile de dénicher les très bonnes souches, financièrement ce n’est pas la même chose et physiquement, ce n’est pas le même gabarit (rire). Cela dit, je viens d’acquérir une jument de selle cette année : Chineguetti Courcelle (Cacao Courcelle x Rosire), destinée à la production de chevaux de sport. C’est une sorte de nouveau défit.
PA : A partir de quand ta démarche de sélection s’est accentuée et comment ?
JD : Cela fait 25 ans qu’on élève et en 2000, nous avons choisi le statut de professionnels. Nous ne connaissions pas grand chose à l’élevage au départ, alors on a acheté des bouquins… En y réfléchissant, c’est vrai que nous avons beaucoup lu ! J’ai aussi adhéré à un syndicat d’éleveurs, toutes races de poneys et chevaux. On a tâtonné longtemps quand même. Comme dans tous les métiers, on apprend de ses erreurs et on avance. Mais dès le début, nous avons cherché à produire des poneys de concours, des sauteurs, c’est ce qui nous intéressait.
PA : Jade d’Hurl’Vent a fait les championnats d’Europe en CCE et Nils d’Hurl’Vent les a couru en CSO, obtenant un titre par équipe sous couleurs britanniques. Y a t-il eu un virage à un moment donné dans la sélection ?
JD : Non pas spécialement, je dirais plutôt que c’est une évolution constante de notre démarche plutôt qu’un virage. Jade a une mère Selle Français dotée de sang Pur-Sang, sortie en CCE. Nous avons choisi de la marier au Connemara Vandale Daf. Nous avons évolué progressivement et essayé de croiser le mieux possible. Par exemple, Minos (premier poulain d’Hera, propre frère de Nils) a été notre premier poulain de Quick Star. Nous avons d’ailleurs fait cinq tentatives avec Quick Star et nous n’avons eu que deux poulains. Nous avons eu une réflexion plus poussée par la suite sur notre structure (professionnelle, à lire dans le volet n°2), la manière de travailler les poneys et leur valorisation. Je suis persuadé qu’il y a de bons poneys d’internationaux dans les prés ! Même un poney moyen, s’il est bien travaillé et valorisé, peut faire de belles choses.
PA : Quel était votre sentiment à tous les deux à la suite de la victoire de Jade au championnat de France Grand Prix Elite avec Astier Nicolas ?
JD : Nous étions vraiment très contents et pour plusieurs raisons. C’était la première fois que nous réussissions à ce niveau et c’était le fruit de notre collaboration avec Marie-Reine Perié. On a compris des choses dans la valorisation, notamment le travail sur le plat des poneys.
PA : Ton stud-book de prédilection est celui du Poney Français de Selle. As-tu toujours fait naitre des poneys de croisement ?
JD : Nous avons eu quelques Connemara, mais sur le plan génétique, j’aime vraiment faire des croisements. Ce qui m’intéresse, c’est de prendre le meilleur de chaque race. En Connemara, j’aimais bien Banagher Magee. J’ai acheté l’une de ses filles et l’ai mise à Leadership. Avec le recul que j’ai aujourd’hui, je préfère utiliser ce dernier en croisement. J’utilise également le sang Welsh, par exemple Machno Carwyn. J’aime beaucoup les poulinières Welsh B, mais je trouve qu’elles sont difficiles à croiser et j’ai souvent des petits poulains. En deuxième génération, c’est super. Intellectuellement, c’est très intéressant de chercher, de comprendre comment fonctionnent les croisements.
PA : As tu d’ailleurs un croisement favori ?
JD : Je n’en ai pas, je suis très ouvert et fais beaucoup d’essais. La question que je me pose tous les ans est « comment m’améliorer ? ». J’ai acheté par exemple deux poulinières aux Pays-Bas, à l’élevage Orchid’s, filles de Kanshebber. Elles sont pleines de Balou Star et j’espère avoir au moins une pouliche pour pouvoir la mettre à la reproduction. Je ne sais pas si c’est mieux d’utiliser des petites juments de selle avec des étalons poneys ou l’inverse. J’aime bien me baser sur des statistiques et nous n’en avons pas de manière suffisante sur ce sujet pour avoir un avis définitif. J’aime bien regarder ce que font les autres aussi.
PA : Qui par exemple ?
JD : Je pense par exemple à Pascal Sauvage (élevage d’Odival) ou Christian Morel (élevage de Blonde). Christian fait toutes sortes de croisements ou met des juments à la saillie dès 2 ans. J’aime beaucoup partager les expériences avec les éleveurs.
PA : Quelles sont les naissances attendues cette année à Montrigaud ?
JD : Hera d’Hurlevent est pleine de Campo Flamingo Z. L’an passé, elle a eu un poulain de Calypso d’Herbiers, il était à côté et disponible en frais, c’est impératif pour elle. Je ne sais pas encore si je la mettrais à la retraite cette année. J’ai emprunté une ponette à Régis Reveillé de l’élevage du Roc : Baya du Roc (Machno Carwyn, Wd et Occitane du Roy, Pfs sur la souche de Soutane de Soulac, CSIOP). Elle est pleine de Tangelo van de Zuuthoeve. Muscade d’Hurl’Vent (Naughty van Graaf Janshof SL, Co et D’Amour, Aa par Le Lezard), une ponette que j’aime beaucoup et qui a peu produit car elle a fait beaucoup de compétition, est pleine d’Ulk d’Eté. Utopia d’Hurl’Vent (Ninio de Rox, Sf et Jade Raid, Pfs par Beril de Civry) attend un produit de Cas d’Ecole du Luy et Aria d’Hurl’Vent (Rahan d’Hurl’Vent et Thalia d’Hurl’Vent, Pfs par Machno Carwyn, Wd) de Leadership. J’ai plusieurs ponettes pleines de Balou Star : Circée d’Hurl’Vent (Orlando, Bwp et Okiwana Daineger, Wb par Ceulan Seryddwr, Wa) qui a eu une grande pouliche de Vleut l’an passé, Egerie d’Hurl’Vent (Adagio de Talma, Sf et Myrtille Ravignan, Wb par Friquet d’Audes), mère d’une pouliche par Cornet Obolensky, ainsi qu’Orchid’s Fiola et Orchid’s Jacintha, toutes deux par Kanshebber. D’autres sont pleines d’Alto de Fougnard : Ravage des Etisses (Quidam de Revel, Sf et Blinis d’Hardy, Po par Joker de l’Aulne, Co), Reverie (Leadership, Co et Soutane de Soulac, Pfs par Echec Au Roy, Aa, mère d’Une Muse d’Hurl’Vent, GP CSO, IPO 175) et Rasta de la Sienne (Leadership, Co et Tooty d’Agon, Co par Joker de l’Aulne, mère d’Unsphinx d’Hurl’Vent, GP CSO, IPO 160). Ma Selle Français Chineguetti Courcelle (Cacao Courcelle et Hirsute Courcelle par Rosire) a été achetée suitée d’un poulain d’Aldo du Plessis. Elle est pleine de l’Allemand Lifestyle.
PA : Combien fais-tu naitre de poulains par an ?
JD : J’ai une douzaine de poulains poneys par an. J’ai de la chance, je travaille avec un super véto, le Dr Valette. Elles sont quasi toutes pleines à chaque fois.
PA : Peux-tu nous dévoiler ton plan de saillies 2019 ?
JD : Cette année, Naborah d’Hurl’Vent (Nabor SL, Drp et Gamine de Carolles, Sf par Talent Platiere, mère de l’étalon Roudoudou d’Hurl’Vent, champion de France GP CSO, IPO 163) devrait être de nouveau confiée à Leadership. Les étalons que j’ai en tête et que je vais probablement utiliser sont Batman d’Eté, Flamingo Sereld’Hel, Fenix d’Hurl’Vent, Machno Carwyn, Leadership, Ken van Orchid, Bosco d’Hurl’Vent, Alto de Fougnard, Balou Star, Champagne d’Ar Cus, soit pas mal de jeunes. Pour Chineguetti Courcelle, je pense à Number One d’Iso ou Rock’n Roll Semilly pour avoir un poulain Selle Français originel.
PA : Tu évoquais les statistiques. Utilises-tu tous les outils que les éleveurs ont aujourd’hui à disposition ?
JD : Bien sûr, c’est une grande chance que nous avons et nous en tenons compte. Le BLUP poney va sortir prochainement d’ailleurs, c’est un autre outil qui va être très intéressant ! Les choses avancent…
Volet n°2 à retrouver demain !